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· LECTURES ET FILMS

Paul en Mongolie, Domitille Cauet

Domitille Cauet est une ancienne élève de Brigitte Macron. C’est elle qui a convaincu le président, alors qu’il était en campagne, de s’engager pour la cause des personnes autistes pendant son mandat.

« Paul en Mongolie », publié en 2018 aux éditions Fayard, est à la fois le récit d’aventures de deux héros du quotidien, une mère et son fils autiste, et un très beau carnet de voyage.

Après des années de bataille pour obtenir un diagnostic, pour scolariser son fils, pour mettre en place une prise en charge adaptée, ici l’ABA, après sa séparation d’avec le père de ses trois enfants et son déménagement dans sa Somme natale, Domitille décide de s’accorder une pause nécessaire et salutaire et de se lancer dans un voyage en Mongolie avec Paul, alors âgé de dix ans. Un périple comme un écho à celui qu’elle a fait vingt ans plus tôt dans la famille de son amie Saran rencontrée sur les bancs de la Sorbonne.

Un voyage comme un défi aussi, puisqu’il va amener Paul à se dépasser, à sortir de son cadre quotidien

et des repères qui le rassurent. 

Une aventure comme un espace où se retrouver entre mère et fils, où reprendre son souffle : « Nous donner ce temps hors du temps, nous retrouver dans une relation autre que celle du travail qui te sauve ».

Nous suivons Domitille et Paul dans leur voyage, les paysages grandioses et les coutumes qu’ils découvrent, la cuisine qu’il partagent avec la famille de Saran, les rencontres fortes qui jalonnent leur route. Oulan-Bator, le désert de Gobi, le lac Khövsgöl, l’Arkhangaï où vivent des nomades. L’écriture de l’auteure, professeure de français et amoureuse de littérature, parvient à restituer la beauté des espaces sauvages et la tendresse des relations humaines avec une grande poésie : « Une lumière féérique joue avec les ondulations du relief. Des contrastes entre le bleu profond du ciel qui annonce la nuit et le vert devenant phosphorescent sous les rayons d’or de l’astre qui décline. C’est d’une beauté indicible. », « Il y a une sorte de communion silencieuse dans ces actes de la vie quotidienne : Narantsegtseg est heureuse de me montrer les gestes simples, séculaires, qui suscitent chez moi tant d’enthousiasme »

Domitille Cauet évoque la simplicité et l’authenticité de la culture mongole, recentrée sur l’essentiel, l’attention qui est portée à l’humain, les personnes âgées vivant avec les leurs jusqu’au bout, le sens de l’hospitalité, la porte de la yourte jamais fermée à clé pour laisser entrer le visiteur étranger impromptu.

Le récit est aussi infusé de la spontanéité et de la joie de vivre de Paul : son goût pour les transports et sa complicité avec Bagui, le chauffeur, son amour pour les chevaux, sa peur de ne plus savoir lire lorsqu’il voit des panneaux écrits en cyrillique et n’arrive pas à les déchiffrer, la liberté qu’il a avec son corps : « J’envie parfois cette liberté de comportement que tu as, même si ce n’est pas conscient de ta part : danser, sauter, courir en agitant les bras, rire aux pour tout et n’importe quoi . »

Ce voyage a enfin des accents initiatiques : il permet à l’auteure de mesurer le temps qui a passé. Pour la Mongolie, qui s’est urbanisée et où le tourisme s’est développé, entraînant des problèmes environnementaux. Pour elle-même aussi qui n’est plus la jeune femme insouciante qui était venue des années auparavant. Elle aura goûté à une autre dimension du temps, aura ouvert les yeux sur l’infinie beauté du monde malgré les violences qui le traversent : « Le mode de vie des nomades m’a renvoyée à un essentiel. La beauté est là, partout, il suffit d’ouvrir les yeux. Les lumières d’un soleil couchant sur la baie miroitante, le vol d’un oiseau au ras de l’eau, les fleurs de pommiers qui embaument, les lambeaux de brume matinale au-dessus des étangs, la mésange qui vient picorer dans le jardin, les enfants qui courent sur la plage, le joyeux bruit d’une tablée familiale, et celui du vent et des vagues… Des trésors au quotidien. »

Cécile Glasman.

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